Marta Eloy Cichocka
EN SOMME (fr.)
en fait c'est quoi le problème? tu as à bouffer où coucher à qui causer
et tu es sûr que rien n'est vraiment grave et qu'au lieu de te taper
la tête contre un mur tu peux encore foncer dedans en désespoir
de cause: et tu sais déjà que l'amour c'est comme les dominos
la première merde entraîne les suivantes et finalement il n'y a ni bon
ni mauvais coup puisque chaque orgasme ne dure qu'un instant:
et tu comprends aussi qu'il est plus fastoche de trouver un météorite dans
le sahara que le soi disant vrai bonheur dont les guillemets s'imposent:
il suffit finalement de scruter le sable clair pour trouver des pierres sombres
comme le conseille newsweek: et t'es ému jusqu'aux larmes par la lutte de derek
jarman contre le sida: la maladie coup sur coup lui a arraché la vue à ne voir que
l'azur infini que personne ne trouble plus de ses larmes (presque à en chialer)
et t'es bouleversé par l'histoire de cette nana qui s'est fait sauter début juin
à l'entrée d'un bus bondé de pilotes russes en mission en tchétchénie
et il n'est rien resté d'elle (rien du tout une simple tache sur le sol)
et tu respectes les sentiments de ce mec si charmant qui avoue un peu
perplexe aimer deux femmes à la fois: l'une qu'il épouse à l'automne l'autre
qu'il cherchera dans une autre vie (et tu veux presque croire qu'il réussira)
alors c'est quoi le problème? est-ce ce moment juste après le réveil quand tu sens
de tout ton corps qu'il n'y a aucun espoir de sortir de cette farce en sauvant la face
et que la boucle du temps embrasse ton cou de même qu'elle serrait la nuque d'argile
de gilgamesh? ou est-ce le fait qu'année après année tu comprends de moins en moins
pourquoi le temps te fait perdre ton sens de l'humour et qu'au lieu de la sagesse
tu gagnes en bêtise: et tu désires alors comme sylvia t'endormir la tête dans le four
ou encore mieux comme virginia bercer les pierres dans les poches à en perdre
haleine? allez andouille viens plutôt faire un bonhomme de neige à ton image
et une carotte à la place du nez tu attendras le printemps : car il n'y pas
de vie qui se laisse cerner par la raison et en somme chaque seconde
pose une énigme dont la solution s'enfuit sans cesse jusqu'à ce que
la mort comme une chute provisoire ne nous achève à la dernière ligne
("LEGO POUR L'EGO", 2005)
et tu es sûr que rien n'est vraiment grave et qu'au lieu de te taper
la tête contre un mur tu peux encore foncer dedans en désespoir
de cause: et tu sais déjà que l'amour c'est comme les dominos
la première merde entraîne les suivantes et finalement il n'y a ni bon
ni mauvais coup puisque chaque orgasme ne dure qu'un instant:
et tu comprends aussi qu'il est plus fastoche de trouver un météorite dans
le sahara que le soi disant vrai bonheur dont les guillemets s'imposent:
il suffit finalement de scruter le sable clair pour trouver des pierres sombres
comme le conseille newsweek: et t'es ému jusqu'aux larmes par la lutte de derek
jarman contre le sida: la maladie coup sur coup lui a arraché la vue à ne voir que
l'azur infini que personne ne trouble plus de ses larmes (presque à en chialer)
et t'es bouleversé par l'histoire de cette nana qui s'est fait sauter début juin
à l'entrée d'un bus bondé de pilotes russes en mission en tchétchénie
et il n'est rien resté d'elle (rien du tout une simple tache sur le sol)
et tu respectes les sentiments de ce mec si charmant qui avoue un peu
perplexe aimer deux femmes à la fois: l'une qu'il épouse à l'automne l'autre
qu'il cherchera dans une autre vie (et tu veux presque croire qu'il réussira)
alors c'est quoi le problème? est-ce ce moment juste après le réveil quand tu sens
de tout ton corps qu'il n'y a aucun espoir de sortir de cette farce en sauvant la face
et que la boucle du temps embrasse ton cou de même qu'elle serrait la nuque d'argile
de gilgamesh? ou est-ce le fait qu'année après année tu comprends de moins en moins
pourquoi le temps te fait perdre ton sens de l'humour et qu'au lieu de la sagesse
tu gagnes en bêtise: et tu désires alors comme sylvia t'endormir la tête dans le four
ou encore mieux comme virginia bercer les pierres dans les poches à en perdre
haleine? allez andouille viens plutôt faire un bonhomme de neige à ton image
et une carotte à la place du nez tu attendras le printemps : car il n'y pas
de vie qui se laisse cerner par la raison et en somme chaque seconde
pose une énigme dont la solution s'enfuit sans cesse jusqu'à ce que
la mort comme une chute provisoire ne nous achève à la dernière ligne
("LEGO POUR L'EGO", 2005)
Co z oczu, to i z serca (elo, tu eloy)
fot. Micha³ £uczak
fot. Micha³ £uczak
"Wej¶cie ewakuacyjne", Dêby Literackie, Kraków, 2003
"Lego dla ego", Bonobo, Warszawa, 2005
Roberto Juarroz, "Poezje pionowe. Okruchy pionowe", Wydawnictwo AP, Kraków 2006 (z hiszp.)
Didier van Cauwelaert, "Objawienie", Wydawnictwo Literackie, Kraków, 2006 (z franc.)
"Entre la nouvelle histoire et le nouveau roman historique", Paris, L'Harmattan, 2007, 241 str.